Sécurité globale : le gouvernement doit revoir sa copie ! Ne bradons pas nos libertés publiques !


Cette proposition de loi vise rédigée l’initiative de deux députés de La République en Marche visait au départ à renforcer le continuum de sécurité dans notre pays. Les auteurs du texte partent du constat qu’il était nécessaire de mieux accompagner et encadrer la montée en puissance des polices municipales et de veiller à une meilleure structuration du secteur de la sécurité privée. Au-delà du renforcement et de l’encadrement des polices municipales et des sociétés de sécurité privées, l’essentiel du texte porte sur la protection des forces de l’ordre en leur donnant les moyens de mieux tirer parti des nouvelles technologies de captation des images. À noter, également, la création de la police municipale de Paris qui figure également dans les mesures du texte.

Si ces intentions pouvaient paraître louables au départ, force est de constater que le gouvernement a choisi délibérément de se saisir de ce texte d’initiative parlementaire pour faire passer un certain nombre de mesures qui n’y figuraient pas initialement. En agissant ainsi, le Gouvernement a contourné l’obligation de publication d’une étude d’impact, de même que la saisine préalable du Conseil d’État et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). En réalité, ce texte aurait dû être formellement déposé par le gouvernement, son véritable auteur.

Car au lieu d’aborder les sujets initialement envisagés par les auteurs de la proposition de loi, il comporte, après intervention du ministère de l’Intérieur, des dispositions très décriées relatives à la question de la protection des forces de l’ordre dans le cadre des opérations de police, à l’usage des drones et caméras de surveillance et à la sécurité dans les transports.

Les libertés publiques au centre des débats

Avant même l’examen en séance, certaines mesures, dont le fameux article 24 relatif à la diffusion manifestement malveillante du visage ou de tout élément permettant l’identification des forces de l’ordre, ont pesé sur la réception de ce texte. Responsables politiques, journalistes directement concernés, associations de défense des libertés et opinion publique, tous ont manifesté leur vive opposition jugeant ce texte susceptible de museler considérablement la liberté d’expression et celle de la presse.

Selon moi, l’article 24 de la proposition de loi n’était pas acceptable en l’état dans la mesure où elle constitue une entrave sévère à la liberté d’information. D’ailleurs, cet article a été d’emblée contesté, parmi d’autres, par le Défenseur des droits. D’autres mesures relatives notamment à l’usage des drones (articles 21 et 22 de la proposition de loi) sont également jugées très problématiques, les garanties en matière de libertés publiques n’étant pas satisfaisantes.  Ce n’est pas, loin s’en faut, les seules dispositions qui ont suscité le débat. Ainsi, l’extension du déport des images de vidéo-protection aux agents de police municipale ou encore le régime applicable aux caméras piéton (étendu là encore aux polices municipales) posent question en matière de respect de la vie privée.

L’inquiétude des collectivités

Le groupe socialiste auquel je me suis associé à déposer de nombreux amendements sur ce texte car au-delà des mesures spécifiques qui ont déjà été évoquées, c’est toute la philosophie globale du texte qui ne fait pas l’unanimité. Loin de répondre à la promesse de clarifier et de distinguer les rôles des différentes forces de sécurité, nous considérons que la proposition de loi les superpose et désorganise un peu plus encore le service public.

Le risque est grand, en effet, que s’accélère le transfert de responsabilités vers les polices municipales, mais aussi vers les officines privées, que cette loi ne régule en rien. Un risque qui a d’ailleurs été pointé par l’Association des petites villes de France (APVF) qui, a appelé à que ces nouvelles compétences des polices municipales ne conduisent pas à un désengagement progressif des forces de sécurité nationale dans les territoires. Pire, beaucoup se demandent si finalement ces nouvelles dispositions ne vont pas aboutir à un schéma à plusieurs vitesses selon les capacités financières des communes qui pourront investir dans une police municipale.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste souhaitait que le gouvernement revoit sa copie, préférant que de vraies garanties soient apportées au citoyen en termes de respect de la vie privée et de libertés publiques.

Enfin, il semble tout aussi nécessaire d’éviter un désengagement des forces de police nationale sur nos territoires au profit des polices municipales. Parce que ma conviction c’est que tous nos concitoyens ont le même droit à la sécurité, je refuse que s’installe insidieusement, en fonction de la richesse des communes, une police à deux vitesses dans notre pays.