Tourisme et Pass sanitaire : l’état d’urgence économique et sociale


Derrière les débats légitimes qui occupent le pays autour du Pass Sanitaire, il devient nécessaire, à l’heure où celui-ci s’impose à tous, d’en mesurer ses conséquences sur le terrain, par exemple, sur nos économies touristiques. La France, première destination mondiale, entend-on souvent… C’était le monde d’avant.

S’ajoutant aux contraintes de voyages, de frontières, et à une situation mondiale anxiogène peu propice aux déplacements, l’obtention d’un pass sanitaire pour nos visiteurs hors UE s’avère un parcours du combattant, qui a conduit à de nombreuses annulations de voyages. L’avenir nous dira si ce comportement correspond à un changement de destination vers d’autres pays, et si l’usage élargi du Pass Sanitaire, décision unilatérale française que n’ont pas pris nombre de nos voisins, a accéléré la fuite des touristes.

Quant au marché intérieur, il avait soutenu la saison estivale en 2020, les Français redécouvrant alors les « vacances locales ». Las, au 1er août en France, seuls 49% des 25-40 ans ont terminé leur parcours vaccinal. Cela implique que la moitié du segment de marché dit « familial », le plus important, n’a pas accès à des vacances « normales ». 

Autant le dire : pour l’économie touristique, imposer le Pass Sanitaire aux activités de loisir revient à courir un 100 mètres avec un boulet au pied.

Ces chiffres éloquents ont été confirmés à l’occasion du traditionnel bilan de la fin juillet dans la presse régionale et n’épargnent aucune région.

L’Agence de Développement Touristique de Touraine indique une baisse de la fréquentation de 13% par rapport à une année 2020, déjà très difficile. La Cité de la vigne et du vin de Bordeaux a constaté une baisse de 30% du nombre de visiteurs, dès la mise en place du fameux sésame.

Dans les parcs de loisirs, destinés aux familles, le principal syndicat professionnel évoque des chutes de fréquentations beaucoup plus importantes, allant jusqu’à 70%.

Une baisse… que confirme le secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne, qui évoque une perte de 20% à 60% de clientèle dans les sites de petite taille, dès la fin juillet. « Les jours pluvieux ont pu jouer pour les activités extérieures », a-t-il cru bon de commenter… De fait, à ce rythme, ce sont surtout les faillites d’entreprises qui vont pleuvoir !

Car le drame ne s’arrête pas à la baisse de fréquentation. La mise en place précipitée du Pass Sanitaire, en pleine saison, a causé des frais importants et imprévus, pour permettre à ces établissements de rester ouverts.

Au parc animalier de Sigean dans l’Aude (13 millions de visiteurs par an), 20 personnes ont été embauchées en urgence pour contrôler les fameux QR-code ; au château de Villandry (335 000 visiteurs par an), le recours à une société de sécurité s’est imposé, ainsi que la décision d’installer sur place un laboratoire de dépistage pour éviter de refuser trop de monde.

Beaucoup d’autres ont dû, hélas, se résoudre à fermer leurs portes face au constat d’une équation économique insoluble, comme la forteresse de Montbazon dans le Val de Loire.

Dans un secteur où il devient de plus en plus difficile de recruter, et alors que les plus jeunes, qui représentent une part importante de l’emploi saisonnier, n’ont droit que depuis peu accès aux vaccins, l’obligation de pass sanitaire pour les salariés rend la tâche ardue pour les employeurs.

Cette double peine, chute du chiffre d’affaires, hausse de charges et problème de recrutement intervient dans un contexte économique déjà désastreux après une année 2020 sans activité.

Pour les entreprises, la perfusion de l’État, grâce au plan de relance, avait alors permis d’amortir le choc. Mais, tandis que la loi instaurant le Pass Sanitaire a totalement éludé la question des compensations économiques, ces aides pour soutenir le tissu économique de nos territoires arrivent à échéance.

Les centaines de sites touristiques publics gérés par les collectivités locales, fermés administrativement de long mois en 2020 et 2021, n’ont bénéficié d’aucune compensation mettant ainsi en péril l’équilibre financier des communes concernées, dans l’indifférence totale de l’État.

Pour toutes ces raisons, en tant qu’élu de terrain, je lance l’alerte.

À très court terme, les sites les plus fragiles sont menacés de la faillite. À moyen terme, ceux qui survivront vont se voir amputer de leur capacité à investir pour plusieurs années : ce n’est pas un danger moins grand, dans un secteur où l’innovation et le renouvellement permanent de l’offre est un facteur clé de compétitivité.

Toute l’économie touristique est aujourd’hui menacée, au présent et au futur. Un plan de relance fort s’impose : à court terme par un fond de soutien évitant les faillites, et à long terme par un soutien à l’investissement.

Mais au-delà, c’est aussi l’activité touristique qu’il faudra maintenir dès les saisons prochaines : une nécessité économique, mais aussi une nécessité sociale et sociétale envers tous ceux, en particulier les enfants, qui ont été privés de vacances par le double impact économique et sanitaire de la crise que nous traversons.

C’est un plan ambitieux « vacances pour tous » qui, seul, répondra à ces objectifs. Le gouvernement serait avisé de se rappeler qu’on parle ici d’un secteur représentant, avant la crise, 10% des emplois en France et un excédent de 17 milliards d’euros pour notre balance commerciale : il ne pourra se contenter longtemps… d’ouvrir le parapluie.